Le conflit Occident/Orient à venir...

Syriana
de Stephen Gaghan

Genre : Espionnage, Thriller
Durée : 2h08
Sortie cinéma française : 22 février 2006
Nationalité : Film américain
Tous publics

L'héritier du trône d'un émirat arabe, le Prince Nasir, réformiste et progressiste, décide d'accorder les droits de forage de gaz naturel à une compagnie chinoise, au détriment du géant texan Connex Oil.
Connex rachète alors la petite compagnie Killen, une fusion qui attire l'attention du Ministère de la Justice à Washington. Benett Holiday, ambitieux avocat du cabinet Sloan Whiting, veille au bon déroulement de cette opération douteuse.
Bob Barnes, vétéran de la CIA qui se préparait à "pantoufler", se voit proposer une dernière mission : éliminer le prince Nasir.
Bryan Woodman, expert en ressources énergétiques, se rend à un gala organisé par le Prince Nasir. Son jeune fils meurt accidentellement lors de cette soirée.
Ces événements auront une incidence directe sur la vie d'un jeune ouvrier pakistanais de la Connex.

Le cinéma politique ne cesse de prendre de l'ampleur et l'on observe ce phénomène par la multiplication des oeuvres engagées qui voient de plus en plus le jour. On peut de ce fait se poser la question qui consiste à savoir si l'on peut assimiler ce cinéma engagé à un phénomène de mode comme celui du regain du cinéma d'horreur inspiré des films cultes qui ont marqué les années 1980, ou encore semblable à celui qui conduit de nombreux producteurs à mettre en chantier d'innombrables adaptations cinématographiques de bandes dessinées qui ont rendu populaire un certain nombre de supers héros, vus par exemple dans les BD Marvel. Il semble évident que la réponse à cette interrogation soit un "non" crié haut et fort, puisque outre le fait que ce genre cinématographique n'attire malheureusement que peu de monde - Et le film Munich de Steven Spielberg confirme cette idée, puisque malgré le célèbre nom à la réalisation, le film a été un véritable échec aux Etats-Unis et n'a d'ailleurs rapporté que 44 313 605 dollars de recettes (alors que le budget du film s'élève à près de 80 millions de dollars) et n'a réussi qu'à réunir un peu plus de 900 000 spectateurs en France sur une période de quatre semaines, alors qu'en l'espace d'une semaine seulement, la précédente fiction du réalisateur (La guerre des mondes) avait déjà attiré plus de 1 700 000 spectateurs -, il est encore plus triste de constater que les gens n'accordent aucune considération à ces films dénonciateurs.

Si ces films politiques se multiplient pourtant et que l'on voit Andrew Niccol encore plus engagé que d'habitude dans le récit de Lord of war (film qui n'a rapporté que 24 127 895 dollars de recettes pour un budget de 45 millions de dollars), Sam Mendes qui prend un grand parti pris contre la bêtise gouvernementale dans Jarhead - la fin de l'innocence, Paul Haggis qui dénonce le forte croissance du racisme et de l'individualisme dans Collision, ou Steven Spielberg qui tente de montrer la situation mondiale critique et dominée par un conflit constant et actuel, cela traduit, bien évidemment, les inquiétudes de ces hommes érudits qui sont effrayés par le déclin de l'équilibre mondiale qui pourrait d'ailleurs, compte tenu des tensions très fortes qui existent entre les pays de la triade, mais également entre l'hémisphère nord et l'hémisphère sud, se rompre et aboutir un conflit général d'un ampleur sans précédent. Irait-on jusqu'à citer la troisième guerre mondiale? Il emblerait que ça soit le cas, car la situation économique désastreuse mondiale - Inutile d'ailleurs de chercher bien loin, la crise économique que subit la France est bien sûr la cause d'une libéralisation excessive, mais traduit également la crise économique mondiale est la conséquence d'une concurrence avec des pays qui se modernisent et se développent à grand pas (Chine, Inde...) - ne risque pas de s'améliorer si les dirigeants de pays riches ne cessent pas de réfléchir à court terme et de ne penser qu'à remplir leurs poches avec une corruption et une politique de détournement cruelle.

Serais-je en train de dramatiser? Serait-ce insensé de parler de troisième guerre mondiale? C'est peut-être assurément excessif, mais la situation mondiale est critique et les tensions entre Occident et Orient qui s'amplifient devant un niveau de vie considérablement différent, devant des cultures qui n'ont rien à voir et qui vont même jusqu'à la répulsion de l'un envers l'autre, mais surtout devant la quête effrénée de posséder le plus d'or noir possible, c'est-à-dire de mettre la main sur la majorité des puits de pétrole pourrait s'apparenter au point de départ d'un conflit mondial. Ceci, certains cinéastes l'ont compris et si vous cherchez un point commun entre tous les films cités plus haut autre que leur portée politique, vous remarquerez que tous abordent la situation du Moyen-Orient, de même que les conflits gouvernementaux et les tensions internationales, que se soit Steven Spielberg, Sam Mendes ou bien Andrew Niccol.

Bien que Stephen Gaghan ne soit pas un réalisateur aussi célèbre qu ceux cités au dessus et reste, avant tout, un scénariste à qui l'on doit notamment le scénario de Traffic, il signe avec Syriana un film dans la digne lignée des oeuvres politiques précédentes telle que Munich et s'interroge lui aussi sur la situation mondiale pour en faire une analyse. Syriana apparaît rapidement comme une oeuvre particulièrement pertinente et très réaliste. Dans une optique d'authenticité, Stephen Gaghan s'est bien évidemment servi du livre La chute de la CIA, dont est inspiré le film, mais s'est surtout démené pour proposer un film très documenté dont la majorité des éléments rapportés sont d'ailleurs véridiques. L'intrigue principale demeure toutefois une fiction, du moins elle s'apparente à une fiction pour mieux dénoncer toutes les failles du système gouvernemental international. De même, le réalisateur montre ici l'implication des Etats-Unis dans la croissance des tensions entre Orient et Occident et sa grande part de responsabilité de la crise économique mondiale et dans l'amplification de la probabilité de l'arrivée d'un conflit majeur. Avec un ton amer, le cinéaste dévoile ainsi que derrière le puritanisme américain se cache une cruauté sans morale qui détruit tout ce qui se trouve sur son passage pourvu que les objectifs soient atteints, qu'il s'agisse de faire gagner un maximum d'argent à l'Etat, de garantir des relations internationales faussement indemnes ou de bénéficier de puits de pétrole. Syriana apparaît de ce fait comme le témoignage de la corruption existante au niveau des gouvernements des pays développés (et pas uniquement des Etats-Unis) qui maintiennent les barrières Nord/Sud, autrement dit les barrières pays riches et pays pauvres. En empêchant le développement de ces pays pauvres par le biais de la manipulation, de l'illégalité et de la corruption, les pays riches se garantissent ainsi un certain niveau de vie et de nombreux avantages au détriment des autres régions de l'Orient.

Toutefois, cette politique accroît les tensions entre les deux régions mondiales, déjà largement accentuées à la suite du 11 septembre 2001, et suscitent de ce fait de nombreuses réactions de haine de la part des orientaux envers les occidentaux. Il en découle ainsi une certaine fragilité dans les relations qu'entretiennent ces pays qui, au moindre incident pourraient se briser et engendrer un conflit. Ceci est d'ailleurs d'autant plus inquiétant que malgré tous les efforts fournis par le gouvernement américain et ses alliés, l'Orient se développe considérablement et devient de plus en plus riche, de même que de nombreux de ces pays orientaux s'arment - ou tentent de s'armer - actuellement avec la bombe nucléaire, alors que la situation économique de l'Occident se fragilise. Le film de Stephen Gaghan est un film très engagé où le parti pris n'est pas difficile à percevoir. Toutefois, ce ne sont pas là les seules qualités du film. En effet, à cela s'ajoute un scénario captivant qui, malgré son aspect de documentaire, trouve une dimension supplémentaire grâce au côté thriller qui est attribué au film. Syriana se révèle ainsi comme une brillante alliance de moments de réflexion et de passages très intenses et angoissants, soutenus par un suspense haletant, qui devient encore plus stressant grâce à une musique rythmée et oppressante. Stephen Gaghan signe ainsi une oeuvre sans aucun temps mort et qui se révèle aussi dynamique grâce à sa réalisation nerveuse que grâce à une narration complexe et construite comme un puzzle qui trouve peu à peu ses réponses au fur et à mesure du déroulement de l'histoire. Cette narration loin d'être convenue rappelle immanquablement celle issue des films Magnolia, Collision ou Traffic. Finalement, le casting de luxe qui réunit des acteurs brillants tels que George Clooney (Ocean's eleven, Good night, and good luck.), Matt Damon (La Mémoire dans la peau, Ocean's twelve), Christopher Plummer (Benjamin Gates et le trésor des Templiers, Le Nouveau monde), William Hurt (Le Village, A history of violence), ou Amanda Peet (Identity, Melinda et Melinda), tous particulièrement convaincants et irréprochables, font de ce film percutant, poignant et fort, une oeuvre très bien menée, alarmante et intelligente qui dénonce aussi bien la situation politique instable mondiale que la forte probabilité d'un conflit mondial généré par l'épuisement des ressources énergétiques naturelles et par une crise économique internationales.

Note film : 5/5

Syriana de Stephen Gaghan Genre : Espionnage, Thriller Durée : 2h08 Sortie cinéma française : 22 février 2006 Nationalité : Film américain Tous publics L'héritier du trône d'un émirat arabe, le Prince Nasir, réformiste et progressiste, décide d'accorder les droits de forage de gaz naturel à une compagnie chinoise, au détriment du géant texan Connex Oil. Connex rachète alors la petite compagnie Killen, une fusion qui attire l'attention du...