Un crime en pleine guerre mondiale... bizarre?

Les Ames grises
de Yves Angelo

Alors que les films abordant le thème de la Première Guerre Mondiale commencent à se propager dans le monde du cinéma français, comme en témoignent les films Un long dimanche de fiançailles, sorti en 2004, ou le très attendu Joyeux Noël, dont la sotie est prévue pour novembre 2005, le cinéaste Yves Angelo s'intéresse lui aussi à ce thème en réalisant un policier sur fond de la Grande Guerre.
Ce film, intitulé Les Ames grises et adapté du livre éponyme de Philippe Claudel, regroupe un casting plutôt impressionnant où l'on est d'ailleurs ravi de voir le regretté Jacques Villeret donner la réplique au grand Jean-Pierre Marielle.

Les Ames grises n'apparaît pas comme un film doté d'un scénario des plus consistant et des plus aboutit. En effet, de par son intrigue principale qui se laisse aller dans la simplicité et qui surtout ne repose pas sur un script très épais ou très recherché, le film ne semble pas particulièrement réussi à ce niveau. De plus, la fin qui peut laisser une impression de travail bâclé ou inachevé en raison de sa tournure aussi confuse que dénuée d'explications, n'améliore pas le résultat scénaristique du film.

Néanmoins, Les Ames grises ne se montre pourtant pas dépourvu de toute originalité puisqu'il arrive à la perfection à innover le genre du policier et à pénétrer le spectateur dans une histoire de meurtre qui se déroule sur fond de Première Guerre Mondiale. De ce fait, si l'intrigue principale n'apparaît pas révolutionnaire, elle laisse place à la brillante idée d'associer une enquête policière à la description d'une période particulièrement difficile de l'histoire.

Découle de cette alliance du drame historique à celui du policier, une ambiance particulière, profonde, troublante, angoissante et sordide. En effet, le spectateur est tout d'abord intrigué et dominé par une légère angoisse, engendrés par le récit policier peut-être loin d'être trépidant, mais emprunt d'un certain suspense tout de même quant à l'interrogation sur l'identité du criminel. Ce suspense léger mais présent est amplifié par une ambiance sombre, morbide, oppressante et déroutante. Mais l'angoisse et le suspense que l'on pouvait éprouver au début du film, s'efface au profit du mal-à-l'aise, de l'étrangeté, de l'émotion et du bouleversement, tout ceci appuyé par une ambiance de guerre apocalyptique où règne la terreur, l'horreur et l'a cruauté.

Le ton policier du film s'estompe également le temps de la description de cette Grande Guerre. Le spectateur devient ainsi le témoin de cette guerre dont le réalisateur semble avoir reproduit avec énormément d'authenticité les conditions de vie d'un village avoisinant le front, et avoir retranscrit avec beaucoup de justesse l'ambiance qui régnait à l'époque ainsi que l'horreur et la véritable nature humaine. Le spectateur est donc très souvent ému et bouleversé par ce récit historique fidèle, qui ne montre pourtant aucune image du front ou des combats mais qui se contente d'instaurer à la perfection le climat tendu et terrifié de l'époque, mais nous en dévoile surtout beaucoup sur l'horreur de cette guerre au travers des témoignages et de beaucoup de scènes, quelque fois crues, qui ne nous épargnent la vision cruelle de cette guerre.

La réussite de ce film passe également par la fait de ne jamais montrer des scènes de guerre à proprement dites, mais de bouleverser le spectateur en le submergeant de sous entendus et de descriptions ou de scènes indirectes (le front vu de loin ou les soldats marchant vers la mort) mais très précises de l'atrocité de la guerre, et de le toucher par une description de l'arrière mais non très du front, tout aussi horrible. Le spectateur ressent très nettement le malaise et l'atrocité de la situation dans lesquels sont plongés les habitants. Cette ambiance chaotique est d'ailleurs amplifiée par une image sublime véritablement sombre, qui s'appuie sur une photographie magnifique et tout aussi sombre.

De plus, le film est également magnifiquement filmé afin de nous offrir des angles de caméra qui marquent le spectateur, et même si la réalisation se montre bien trop classique, elle n'en reste pas moins très soignée. De même, si la mise en scène ne se démarque pas et demeure très académique, l'image impressionne le spectateur par tant de réalisme. Finalement, si Les Ames grises semble filmé avec des notions très classiques, il se différencie pourtant des autres films en raison d'un aspect visuel particulier qui lui donne une apparence de documentaire, certainement en raison de l'utilisation de caméras numériques. Si l'on peut trouver cela judicieux d'apporter une apparence de documentaire à un tel film, il n'en demeure pas moins que l'image est souvent imprécise et que les différents tons lorsque l'image est très sombre sont difficiles à percevoir. Ainsi le rendu de l'image n'est pas optimal et, il aurait peut-être été plus impressionnant filmé avec des caméras traditionnelles.

Plongé en plein coeur d'une ambiance de guerre où l'atrocité règne, il est difficile de ne pas s'émouvoir et de ne pas être bouleversé devant les personnages mélancolique et désabusés, des situations particulièrement tragiques et des images choquantes.
Cependant, le spectateur est encore plus bouleversé face à la dénonciation de la nature humaine si exécrable et cruelle, dont le réalisateur n'oublie pas d'inclure, notamment par le biais de la haine qui réside entre les français eux-mêmes, à savoir entre ceux qui combattent et ce qui ne combattent pas ou entre la bourgeoisie et la classe populaire.
Il semble également difficile de rester insensible aux personnages immondes qui se fichent totalement de la vie des autres et n'hésitent pas à la détruire pour le profit personnel.

Jacques Villeret (Effroyables jardins, L' Antidote) interprète d'ailleurs avec énormément de charisme un juge abominable et s'éloigne relativement de ses rôles habituels, mais le fait avec énormément de talent. Ce grand acteur nous offre un face à face impressionnant avec Jean-Pierre Marielle (La Petite Lili, Atomik Circus, le retour de James Bataille), qui lui aussi, nous propose une prestation tout aussi honorable et du moins, très touchante.
Denis Podalydès (Embrassez qui vous voudrez, Bienvenue en Suisse) est également remarquable dans la peau d'un policier attachant.

Genre : Drame, Policier
Synopsis : Durant l'hiver 1917, le meurtre d'une fillette met en émoi un paisible village situé non loin de la ligne de front. Plusieurs notables sont soupçonnés du crime.
Durée : 1h46
Sortie cinéma française : 28 septembre 2005
Nationalité : Film français
Tous publics
Site officiel

Sur une base scénaristique plutôt moyenne et sans profondeur, Yves Angelo arrive pourtant à faire preuve d'originalité en octroyant à son récit policier, un contexte historique des plus déroutant.
De ce fait, Les Ames grises s'apparente plus au drame historique qu'au film policier et le spectateur se passionne ainsi devant ce film qui dépeint avec beaucoup de justesse la situation invivable et atroce de la Première Guerre mondiale et des conditions de vie des habitants d'un village se situant à proximité du front.

Si l'on ne se captive pas forcément par la trame policière principale qui finit d'ailleurs d'une manière confuse, le spectateur ne peut rester indifférent à un tel film qui aborde un thème aussi grave que la Grande Guerre où certaines scènes sont insoutenables tant l'horreur est présente, même montrées de manière indirecte, où l'on est bouleversé par la cruauté des personnages, mais surtout qui se compose d'une retranscription historique parfaite.
Finalement, de par son thème très bien abordé, sa retranscription historique stupéfiante, son image sublime et ses acteurs impressionnants, Les Ames grises se dévoile comme un très bon film français qu'il serait dommage de louper.

Note film : 4/5

Les Ames grises de Yves Angelo Alors que les films abordant le thème de la Première Guerre Mondiale commencent à se propager dans le monde du cinéma français, comme en témoignent les films Un long dimanche de fiançailles , sorti en 2004, ou le très attendu Joyeux Noël , dont la sotie est prévue pour novembre 2005, le cinéaste Yves Angelo s'intéresse lui aussi à ce thème en réalisant un policier sur fond de la Grande Guerre. Ce film, intitulé Les Ames grises et...